Mounir TOUHAMI / Sur "L'avare" de Molière .
ETUDE DU DENOUEMENT DANS " HERNANI" .
MOUNIR TOUHAMI / REFLEXIONS .
samedi 12 décembre 2020
Explication de texte - " L'avare" de Molière acte I scène IV .
--Situation événementielle :
Après avoir avoué à sa sœur son amour pour Mariane, Cléante vient,
accompagné d’Elise, en parler à son père, mais celui-ci les surprend en leur
annonçant sa décision de vouloir épouser la bien aimée de son fils.
--Unités de sens :
Nous allons analyser la scène à travers les quatre unités de sens suivantes :
I / Le monologue d’Harpagon
Dans cette scène Harpagon monologue, en croyant être seul. Nous pouvons
délimiter l’unité du début de la scène jusqu’à « somme assez … ». Et son
interruption met fin à son monologue, car désormais, il vient de se rendre
compte qu’il n’est pas seul. Ainsi, à partir de « O ciel ! » le monologue se
transforme en aparté. Rappelons que celui qui monologue ne craint pas
d’être entendu par autrui, alors que celui qui fait un aparté craint de l’être.
Ce monologue révèle les traits caractéristiques d’Harpagon : son avarice et
son obsession maladive de l’argent qui le tourmente tout au long de la
pièce.
Nous pouvons à ce niveau dresser tout un champ lexical de l’argent
obsédant le personnage :
« Somme d’argent », « fait », « placé », « dépense », « coffres forts »,
« voleurs », « dix mille écus », « « or », « somme ».
Citons de même, quelques figures rhétoriques témoignant de l’obsession et
des tourments d’Harpagon :
- La litote « ce n’est pas une petite peine que de garder chez soi une
grande somme d’argent » ;
- La phrase proverbiale : « bien heureux qui a tout son fait bien placé, et
ne conserve seulement que ce qu’il faut pour sa dépense.». Ici,
Harpagon témoigne toujours de son obsession, tout en associant le placement d’argent avec le bonheur.
-Evoquons une autre litote soulignant les tourments du
personnage : « on n’est pas peu embarrassé à inventer dans toute la
maison une cache fidèle ».
- Citons, dans ce même ordre d’idées la personnification des coffresforts :
« car pour moi les coffres forts sont suspects, et je ne veux jamais m’y
fier… ».
La méfiance excessive d’Harpagon le pousse à se méfier même des
coffres forts : « je les tiens justement une franche amorce à voleurs… ».
Outre ce truchement métaphorique, ajoutons, de même la répétition
bien significative de « dix mille écus », ainsi que l’apostrophe « O ciel ! »
témoignant toujours d’un Harpagon très méfiant même vis-à-vis de ses
enfants
Relevons, par ailleurs, les différentes manifestations comiques qui jalonnent
cette première unité de sens :
- Le comique de caractère : il résulte de l’avarice et de la méfiance
abusives d’Harpagon.
Ce qui fait rire, à ce propos, c’est bien entendu les vices dévoilés et
caricaturés du personnage, mais c’est surtout son inconscience de ses
défauts. C’est ainsi qu’Henri Bergson écrit dans « Le rire » :
« Si le personnage est comique c’est qu’il y a un aspect de sa personne
qu’il ignore : c’est par là seulement qu’il nous fera rire. Les mots
profondément comiques sont les mots naïfs où un vice se montre mis à
nu inconsciemment par le personnage. » ;
-le comique de mots est suscité par tous les vocables et les truchements
rhétoriques soulignant les vices d’Harpagon ;
- Le comique mécanique de mots est marqué, dans cette première unité,
par la répétition mécanique de « dix mille écus » dévoilant l’obsession de
l’argent ;
- Le comique de situation est souligné par la phrase inachevée d’Harpagon
où il s’interrompt en remarquant la présence de ses enfants qui étaient
là sans qu’il ne s’en soit rendu compte, ce qui le met dans une situation
bien embarrassante.
II/ Dans la deuxième unité de sens, Harpagon soupçonne ses enfants de
l’avoir entendu parler de sa cachette.
L’unité commence par la didascalie (Ici le frère et la sœur paraissent
s’entretenant bas), et s’achève à la réplique de Cléante : « est-ce être votre
ennemi que de dire que vous avez du bien ? »
Dans cette unité, Harpagon soupçonne ses enfants de l’avoir écouté parler
de sa cachette.
Le dramaturge tourne en dérision la méfiance maladive d’Harpagon, qu’il
caricature.
Harpagon et Cléante ne cessent de s’interrompre (cf. les fréquents points
de suspension), tout en se mettant mutuellement et respectivement dans
des situations embarrassantes et comiques.
L’avare essaie par la même de détourner ses enfants de ce qu’ils pourraient
avoir entendu, tout en se faisant passer pour un misérable, mais ses enfants
ne sont pas dupes du mensonge. C’est ce que Cléante révèle à son père :
« …et l’on sait que vous avez assez de bien ». L’emploi du pronom indéfini
« on » laisse supposer que tout le monde le sait.
Bien que Cléante ait employé un euphémisme pour ne pas énerver son
père, celui-ci s’est mis en grande colère malheureusement, insultant et
traitant ceux qui le disent de « coquins » et de « menteurs ».
Signalons, dans cette unité de sens, qu’Elise est le personnage le moins
important, elle n’intervient que rarement, beaucoup moins que son frère et
son père qui a tendance à monopoliser la parole.
Harpagon traite ses enfants d’« ennemis », ce qui suscite l’indignation de
Cléante s’exclamant « est-ce être votre ennemi que de dire que vous avez
assez de bien ? », en tournant ainsi en dérision les propos déraisonnables
de son père.
III/ Dans la troisième unité de sens, Harpagon détourne la conversation
pour reprocher à son fils ses dépenses vestimentaires.
La méfiance paranoïaque d’Harpagon lui fait craindre d’être volé à tout
moment. Il croit que les vêtements somptueux de Cléante ne font qu’attirer
l’attention des voleurs.
Soulignons à ce propos, les truchements métaphoriques comiques :
« On viendra chez moi me couper la gorge dans la pensée que je suis cousu
de pistoles. ».
En plus, les hyperboles confirment aussi les propos exagérés et ironiques
d’Harpagon : « est-il de plus scandaleux que ce somptueux équipage ... »,
« vingt fois » etc. Ce qui ne peut que susciter l’emportement de Cléante
C’est pourquoi, ses répliques sont ponctuées de questions rhétoriques
soulignant son indignation.
Nous pouvons souligner, à travers les tirades d’Harpagon, son obsession
d’argent, et sa méfiance excessive qui le pousse à soupçonner son fils de lui
« dérober » de l’argent.
Fortement indigné, celui-ci est contraint de lui avouer que son argent, il le
gagne au jeu. Et au lieu de réprimander son fils et de lui faire de la morale,
comme aurait fait n’importe quel père, Harpagon, toujours ironisant, lui
conseille de mettre son argent « à honnête intérêt ». Nous sommes ainsi
face à un personnage dont l’unique soucis, c’est l’argent au détriment de
tout principe moral. Et si nous rions du personnage vicieux, c’est que le rire
moliéresque n’est pas gratuit :
« Le devoir de la comédie, a répété souvent Molière, étant de corriger les
hommes en les divertissant… ».
C’est dans cette perspective que l’avarice, l’amour excessif de l’argent, la
cupidité, la méfiance maladive et l’immoralité sont ici des cibles de la satire.
Voyant qu’il n’arrivera jamais à dissuader son père de son avarice sans
limites, et pour couper court à cette vaine discussion, Cléante est contraint
d’affirmer à son père : « vous avez raison. ».
IV/ Dans la quatrième unité de sens, il s’agit d'abord d’un dialogue entre Cléante et
Harpagon à propos de mariage.
La crainte des enfants de leur père, elle est soulignée par le champ
lexical de la peur : « peur » répété à deux reprises, « craignons »,
« plaindre » …
On assiste après à un long
quiproquo bien comique, où les personnages, suite à un malentendu, ne
parlent pas de la même chose. Et le spectateur rit de la crédulité de Cléante
ne cessant de faire des éloges, et croyant que son père a l’intention de le
marier à Mariane.
Il est ainsi victime d’un comique de situation : « une fort charmante
personne », « toutes honnête et pleine d’esprit » , « admirables, sans
doute »… Notons dans la plupart de ses expressions élogieuses, une
association d’un adverbe et d’un adjectif, témoignant de son grand
ravissement, et par là même, de sa naïveté.
L’interjection « Ah !» de Cléante évoque son énervement à propos de « la
petite difficulté » soulevée par son père, à savoir la pauvreté de Mariane. Ce
qui ne peut qu’accentuer le comique, et le rire du spectateur riant de sa
situation de dupe.
La conjonction « Mais » d’Harpagon, montre bien que le père n’est pas du
tout d’accord avec son fils qui semble lui faire de la morale, en affirmant
que l’argent n’est rien devant l’honnêteté d’une personne. Ainsi, il
rétorque, parlant par sous-entendu comique, qu’il compte bien « regagner
ceci sur autre chose. », laissant entendre que Mariane, peu habituée au
luxe, sera certainement peu dépensière, et avec elle, il ne pourra que faire
des économies. C’est ce que confirme la phrase suivante d’Harpagon qui
met fin au quiproquo, et met Cléante dans une situation bien
embarrassante :
« et je suis résolu à l’épouser, pourvu que j’y trouve quelque bien. ».
Ici, le comique de situation a pour fonction de désamorcer le pathétique, et
d’empêcher le spectateur d’avoir pitié de Cléante. Car, dans la comédie,
l’émotion n’a pas lieu d’être, et doit être « anesthésiée », comme dirait
Henri Bergson.
Ainsi, la réplique de Cléante « Euh ? », après tant d’enthousiasme
manifesté, est bien évocatrice à ce propos. Ce qui réduit ses répliques à de
courtes phrases interrogatives ou inachevées, et se retire en prétendant
être pris tout à coup d’un éblouissement », laissant son père ironiser.
Et Harpagon, croyant se montrer généreux, ne s’empêche pas de
témoigner, encore une fois de son avarice :
« …allez vite boire dans la cuisine un grand verre d’eau claire ».Et la sortie du personnage s'effectue sans aucun changement de scène, comme le stipule la règle classique .
L’ironie et l’antipathie qu’éprouve Harpagon pour les jeunes (« voilà de mes
damoiseaux flouets qui n’ont non plus de vigueur que des poules. » ),
soulève un autre thème fréquent au dix-septième siècle à savoir le conflit de
générations : Harpagon ne comprenant pas ses enfants.
Et sa décision de les marier, contre leur gré à de vieux fortunés, évoque un
autre thème important à l’époque, c’est celui du mariage forcé ou du
mariage d’intérêt : « … quant à ton frère, je lui destine une certaine veuve
(…) et pour toi, je te donne au seigneur Anselme ». Celui-ci « qui n’a pas
plus de cinquante ans » selon l’euphémisme d’Harpagon » et qui a de
« grands biens. ».
Soulignons le verbe donner stipulant une chosification d’Elise, et rappelons
la condition défavorable de la femme au XVIIe siècle. Ainsi, le dramaturge
ne cesse de dénoncer, à travers ses pièces, les tares de sa société.
Si Elise qui était presque effacée, dans l’unité de sens précédente, elle
arrive dans cette unité à affronter et à tenir tête à son père. Et la négation
ainsi que l’adverbe « non » ponctuant ses répliques en témoigne.
L’affrontement du père et de la fille se fait à travers la stichomythie,
opposant les courtes répliques des personnages. Ce qui assigne à l’unité un
rythme rapide et un certain dynamisme, s’adaptant parfaitement à
l’atmosphère de la querelle.
A la fin de l’unité de sens, le père et la fille finissent par décider de mettre
Valère juge de leur mésentente.
Sur le dénouement de" L'avare" de Molière- Explication de texte .
La situation événementielle :
Il s’agit de la scène finale, scène du dénouement de la pièce où tous les
personnages importants sont présents sur scène.
Les retrouvailles de la famille Alburcy est un coup de théâtre qui vient
contribuer à la réalisation du dénouement.
Unités de sens :
Divisons cette dernière scène en deux unités de sens :
I / Dans la première unité, Cléante disculpe Valère en avouant qu’il a la
cassette volée.
Cléante arrive enfin à faire renoncer son père à son mariage prévu avec Mariane,
il lui fait ainsi un chantage : la cassette ou Mariane. Le choix n’est pas difficile, car
pour Harpagon, ce qui compte le plus c’est de retrouver sa chère cassette.
• De même, on remarque que les répliques de Cléante sont beaucoup plus
longues que celles d’Harpagon. Dans cette scène, contrairement à la
règle, c’est le fils qui accapare la parole. Il se montre supérieur par
rapport à son père bien effacé. Rappelons qu’au théâtre, « la prise de la
parole est une prise de pouvoir », les personnages qui parlent
longuement, sont généralement plus importants que ceux utilisant de
courtes répliques.
Harpagon abasourdi et ravi par la bonne nouvelle, ne s’exprime que par de
courtes répliques interrogatives : « où est-il ? », « N’en a-t-on rien ôté ? ».
• En effet, Cléante manifeste, dans cette scène, plus de fermeté et
d’assurance que précédemment où Harpagon manifestait toute sa
tyrannie à travers ses longues tirades .
• Par ailleurs, Mariane usant de la conjonction d’opposition « Mais »,
s’oppose et corrige l’oubli de son frère se contentant de réclamer le
consentement d’Harpagon et de sa mère, tout en omettant
qu'elle a désormais un père à qui il faut la demander.
• Contrairement à Harpagon, Aselme témoignant d’une grande
générosité, ne pense qu’ au bonheur de ses enfants, c’est pourquoi il
accepte et demande à Harpagon d’accepter les deux mariages.
• Juste après, le dramaturge, encore une fois, ne s’empêche pas de caricaturer Harpagon et
son avarice qui le pousse jusqu’à demander à Anselme de payer les frais
des deux mariages, de lui acheter par là même un habit de noces, et de
payer le commissaire. C’est ce que Anselme n’hésite pas à accepter
immédiatement.
II/La deuxième unité de sens permet de dénoncer une dernière fois, dans
la pièce, le vice d’Harpagon qui refuse de payer le commissaire :
« Pour votre payement (montrant Maître Jacques), voilà un homme que je
vous donne à pendre. »
• Dans ses pièces, Molière met souvent en présence, face à face, un
personnage noble qui est le plus souvent loué, et un autre bourgeois
vicieux qu’il tourne en dérision et démystifie. C’est une façon,
certainement, de rendre hommage à une noblesse à qui il doit
beaucoup, et une manière de caricaturer une vielle bourgeoisie dont il a
toujours dénoncé les tares et les défauts :
« Harpagon- Vous payerez donc le commissaire ?
Anselme-Soit. Allons vite faire part de notre joie à votre mère.
Harpagon- Et moi voir ma chère cassette. »
L’un ne s’inquiète que de l’argent( soulignons par là même la
personnification comique de la cassette qui achève la pièce sur un
dernier éclat de rire), et l’autre, heureux d’avoir retrouvé sa famille, et ne
pense qu’à aller voir son épouse.
• Le dramaturge fait allusion, encore une fois, aux coups de bâton reçus par Maître
Jacques, rappelons ainsi le comique farcesque, et la grande influence de
la farce sur le théâtre de Molière.
• Enfin, osons affirmer que souvent dans les pièces de Molière, une
intrigue minutieusement construite, et un dénouement original bien
construit comptent beaucoup moins, que la dimension satirique de ses
œuvres. Il a toujours œuvré, avant tout à dénoncer les tares de son
époque, à « corriger les hommes en les divertissant ». Une fois sa tâche
accomplie, il trouve souvent un coup de théâtre, même invraisemblable
ou romanesque pour clore sa pièce.
Inscription à :
Articles (Atom)